Aussi loin que remonte mes souvenirs je n’ai jamais été une fille comme les autres. Je n’ai jamais eu de malformation, j’avais une poitrine, des hanches dessinées et une bouche pulpeuse. Non ne vous détrompez pas, j’étais une femme, je l’ai toujours été en ce qui concerne l’apparence. Non. C’était dans ma tête. Les filles représentaient une constante interrogation à mes yeux. Je ne les ai jamais comprises. Surement la raison pour laquelle je n’ai jamais réussi à en avoir beaucoup… Leurs longs cheveux, leurs ongles manucurés, leur visage recouvert maquillage alors qu’elles sont si belles au naturel… La simplicité, sauvage, c’est tout ce qu’il manque à ce monde pour qu’il devienne beaucoup plus intéressant.

J’suis née à Melbourne, en Australie, il y a maintenant vingt-cinq ans. J’adorais cette ville, elle est tellement belle, j’y ai vécu mes plus belles années de folie… J’ai grandi dans une famille unique. Vous savez, dans la plupart des histoires qu’on peut lire, y’a toujours une merde. Du genre : papa ou maman meure, des fois c’est même les deux quand le personnage à vraiment pas de bol, ou sinon tu te fais agresser, ou il y en a un qui se barre pour x raison. Sachez que moi, je fais partie des 5% restants d’enfants qui vivent dans un foyer tout à fait normal. Mon père était tout ce qu’il y avait de plus normal, il bosse dans une banque et gère les crédits des petites vieilles ce qui l’amuse un peu parce qu’il aime bien dire qu’un jour, elles l’aimeront tellement qu’elles le mettront dans leur testament et qu’il deviendra riche. Personnellement, j’y crois moyen à sa théorie. Ma mère, elle, elle gardait des enfants ce qui fait que j’ai jamais été réellement seule dans ma maison et que mon nombre de frères et sœurs diminuait ou augmentait en fonction des années. Ouais parce que je croyais que ma mère les avait pondus tous les marmots qui passaient la porte le matin et se barraient le soir avec d’illustres inconnus. Ma mère adorait son travail, elle vivait pour les enfants, elle disait que à chaque fois qu’elle voyait un petit pleurer elle avait l’impression de mourir de l’intérieur. Pendant plusieurs années j’ai grandit avec tout un tas de bambins qui courraient dans la maison, j’en ai fait des amis, des sœurs et des frères de substitution… J’étais heureuse comme gamine, j’avais tout ce dont j’avais besoin. C’est à l’âge de 3 ans que j’ai été diagnostiquée hyperactive. Ce n’est pas tellement grave au départ, ils disaient seulement que j’avais tendance à mal dormir la nuit et à vouloir toujours bouger et j’avais en permanence des bleus et des coupures. Je passais ma vie à courir, à sauter, à monter sur n’importe quoi et à tomber, je faisais rire mon père et gronder ma mère qui était énervée parce que dés que je sortais de chez moi, je faisais des trous dans mes vêtements. Bref, je vivais comme une gamine normale au pays des bisounours et si vous pensez que quelque part, dans cette histoire, vous trouverez quelque chose de tragique, alors vous vous trompez. J’ai été à l’école primaire et j’ai découvert la joie d’apprendre à lire et à compter mais comme j’étais un peu surexcitée, j’ai eu plus de mal à lire. J’ai mis deux ans à apprendre, deux années à tenter de comprendre des mots qui ne voulaient rien dire dans ma tête. C’était compliqué pour mes parents à l’époque de passer du temps avec moi sur les devoirs mais j’ai quand même réussit à y arriver et c’est marrant parce qu’aujourd’hui, quand j’ai les plombs qui saute dans l’appart’, je lis des livres… C’est plutôt rare mais c’est histoire de dire que comme pas mal de jeunes de ce monde, je sais lire lorsque l’électricité est coupée…

Ensuite… Bah ensuite je suis montée dans les classes, niveau famille ça a rien changé à part que l’âge se creusait de plus en plus entre moi et les enfants que ma mère gardait et je commençais à en avoir marre. En réalité, j’avais l’impression horrible d’être mise à l’écart constamment, de ne plus avoir de l’importance pour ma mère alors je sortais tout le temps. J’ai jamais vraiment été chez moi, je crois que ça vient du fait que j’étais hyperactive ou peut-être que ça venait du fait que j’avais l’impression d’étouffer. Les cris, les gamins qui courent partout, ma mère qui fait à bouffer pour quinze, je n’avais pas d’autre choix que de sortir si je voulais respirer un peu. C’est comme ça que j’ai découvert Bianca, mon premier amour. Elle était assise dans un parc lorsque je suis arrivée, elle lisait un bouquin « chaire de poule » vu qu’à l’époque on devait avoir une dizaine d’années. Je sais, c’est jeune dix ans pour dire qu’on a eu un premier amour mais je crois réellement que c’était ça… En tout cas, je m’en souviens toujours comme ça. Elle et moi on était complice, on était unies et si l’une se sentait mal, l’autre le comprenait en une fraction de seconde. Notre repère, c’était un petit arbre dans ce fameux parc, on s’y rejoignait, on laissait tomber nos vélos et on montait dedans pour discuter et pour observer les gens du haut de notre perchoir. On avait toujours des théories farfelues sur les raisons pour lesquelles les gens venaient, pourquoi ils pleuraient ou pourquoi ils beuglaient dans leurs téléphones. On s’est éloignées parce qu’elle a du déménager à Sydney ou autre part, je m’en souviens plus… La seule chose dont je puisse me souvenir c’est que du jour au lendemain, j’avais l’impression de perdre une partie de moi… C’est comme ça que j’ai su qu’elle n’avait pas été qu’une simple amie, et pas qu’une meilleure amie non plus… Ah ouais, et aussi parce qu’un après-midi, on a échangé notre premier baiser. Elle disait que les mecs étaient tous nuls parce qu’ils pensaient qu’à voir sa culotte alors elle ne voulait pas leur donner la chance d’avoir un bisou, alors que moi, j’étais pas comme ça, donc techniquement j’y avais le droit. Mes parents n’ont jamais su ce qu’il s’était passé, mon journal intime, quant à lui, a eu le droit à trois pages sur comment c’était cool et super intéressant de faire ça avec en plus des smiley tristes quand je racontais avec déchirement son départ précipité…

Le temps a passé et je suis rentrée au lycée et c’est réellement à cette époque-là que je suis devenue ce que je suis maintenant. J’ai changé totalement de style ! A l’époque, j’ai viré toutes les robes trop sages que ma mère m’avait achetées au fil des années et j’ai commencé à m’acheter des perfectos de toutes les couleurs, des jeans bien serrés et des mini-jupes… Le but c’était pas de plaire aux mecs, le but c’était de me rendre encore moins accessible pour pouvoir donner l’impression que je valais le coup d’être rencontrée. C’est aussi à cette époque-là que j’ai coupé mes cheveux très courts et que j’étais la seule nana à rire comme un mec dans toute la cafet’. Mon cercle d’amis s’est formé assez rapidement, majoritairement des gars d’un certain âge qui me prenaient pour leur égal et qui n’avaient pas une seule intension sexuelle avec moi. A vrai dire, vu la façon dont je me comportais avec eux, j’avais peu de chance de séduire quelqu’un dans l’assemblée. Le jeudi soir devenaient notre soirée « poker », on se réunissait généralement chez Danny, le plus jeune de la bande et on jouait tous ensembles et on se racontait ce qu’il s’était passé dans la semaine de chacun. Victoria avait les meilleures histoires parce qu’elle flirtait avec son prof de maths qui lui rendait bien, c’était un peu comme un baisodrome dans la salle de classe sans qu’aucun des deux n’ait enlevé ses vêtements… Moi, je racontais la plupart du temps aventure magique avec ma mère. Je passais mon temps à l’emmerder lorsqu’elle avait les gamins dans les bras et je ne pouvais m’empêcher de la provoquer continuellement, la phase rebelle de l’adolescence vous voyez un peu… Petit à petit, je commençais à la rendre dingue si bien qu’elle m’a annoncé la couleur un soir de repas de famille : « tu dégages dés l’an prochain, tu vas dans une autre université, je ne veux plus te voir à la maison ! ». Elle était devenue tarée et moi, j’avais ce que je voulais depuis le début ! Ouais, j’avais calculé mon coup depuis des semaines, voire des années… Je voulais pas rester en Australie toute ma vie, je voulais faire comme Alexander Supertramp dans Into the wild mais en plus simple. Mon but, c’était me casser aux USA et y faire mes études dans une université pas trop mal et puis ensuite, ne jamais revenir en Australie sauf pour des concerts de Kylie Minogue ou des conneries comme ça… Oh et accessoirement, passer le bonjour à mes parents. Ma dernière année de lycée j’ai donc préparé ma bande à l’éventualité de la mort de notre groupe, ils s’y sont fait plutôt rapidement à mon grand désespoir… Les papiers signés, je m’envolais ensuite vers Chicago et son université réputée pour pouvoir poursuivre mes études dans la médecine.

Ouais parce que au départ, je voulais devenir véto et donc j’ai tenté la fac de médecine histoire de réussir à faire ce que j’ai toujours voulu : soigner les petits animaux sans défense. Il s’est avéré que j’étais une grosse merde dans la plupart des cours et que dés le premier semestre, j’ai eu un taux d’absence record pour l’université alors ils m’ont donné un ultimatum : soit je bosse et je vais dans une autre filière, soit ils me renvoient gentiment direction l’Australie et feront en sorte que je ne revienne plus jamais sur le sol américain… J’ai ensuite chié dans mon slip et je me suis dit que changer de filière serait productif pour mon futur et me voilà donc en psychologie. C’est pendant cet espace de temps que j’ai découvert Chicago et que j’en suis tombée amoureuse. Vous savez, les gens adorent Paris ou New York ou même Londres, les grandes capitales bourrées de monde où tu peux pas faire un pas sans te faire marcher sur les pattes, moi je suis tombée amoureuse de Chicago. Je sais pas comment ni pourquoi, cette ville a rien de si extraordinaire mais pourtant je l’adorais et je l’aime encore… Bien sur, ne croyez pas que ma vie amoureuse à été aussi plate qu’une tranche de jambon, au contraire. J’ai eu pas mal de relations amoureuses avec des hommes comme des femmes mais c’est bel et bien à Chicago que j’ai rencontré un mec, un vrai… Il s’appelait Duncan et je l’appréciais surtout parce qu’il avait une Harley et que je me sentais comme Brigitte Bardot lorsque je montais dessus. Il m’emmenait où je voulais et il avait un putain d’appartement super classe dans un quartier un peu chelou, le genre de trucs dans lequel tu te pisserais dessus si tu te trimballes ici seule la nuit mais qui avec lui faisait super voyou et sexy. Je crois même que c’est avec lui que j’ai perdu ma virginité et que j’ai découvert à quel point le sexe c’était marrant… Mes études finies en beauté et un diplôme en poche, j’ai été cherché mon premier boulot. Autant vous dire tout de suite, j’en ai chié à mort ! J’ai passé un an à faire serveuse dans un MacDo avant de trouver un petit cabinet qui a bien voulu me prendre en remplacement d’un départ à la retraite. Ca fait maintenant deux bonnes années que je m’y déplace tous les matins et je m’en sors comme une chef, j’ai mes habitués qui ne jurent que par moi et l’équipe médicale autour de moi rajeunit de plus en plus à cause des départs en retraite des anciens ce qui fait qu’à présent, la moyenne d’âge des gens qui sont là, c’est plus ou moins 30 ans… J’ai pas vraiment envie de me caser mais disons que si je n’arrive pas à trouver quelqu’un pour un soir dans tout Chicago, j’aurais des personnes à appeler !