« Les enfants ! À table ! » « ON ARRIIIIIVE ! » Du bruit, des pas, une folle course pour arriver jusqu'à la table. C'était ce qu'il t'arrivait chaque jour, matin, midi et soir. Vous vous dépêchiez tous de vous rendre dans la cuisine, où un plat, préparé sûrement trop rapidement, vous attendez. Histoire de ne pas changer, tu arrivais la dernière, un peu bousculée par tes cinq frères et soeurs. « Hum.. Il manque encore une assiette. » Et ouais, c'était une habitude ça aussi. Une fois sur deux, il manquait une chaise, un couvert ou autre. Tu regardais ta mère, souriante. « Oh oui c'est vrai, j'oublie toujours le nombre exact. » Tu attendais qu'elle te mette ton assiette pour t'asseoir et enfin rejoindre la famille à table. En effet, elle était un peu tête en l'air.. La même chose pour ton père, ils étaient là sans vraiment être là. Tu pouvais rien y faire de toute façon. Ils se plaisaient bien dans leur truc d'hippie. Faire à manger, c'était tout ce que faisait ta mère. À part ça.. Pas grand chose. Ta sœur, Rosalee, s'occupait plus de vous qu'elle. Mais bon, tu aimais ta vie. Tu ne voulais pas la changer, tu avais ta liberté, l'amour de cinq frères et sœurs ainsi que celui de tes parents. Quoiqu'on puisse dire, ils vous aimaient quand même. Ils ne le montraient juste pas. Changer des couches et entendre des cris toute la journée ? Ils avaient juste dit non merci. Ils passaient presque toutes leurs journées dehors, à gambader dans les champs – si si je vous jure qu'ils faisaient ça des fois – ou à sympathiser avec les premières personnes qu'ils croisaient dans la rue. Ils étaient comme ça, exactement. Perchés dans un monde qui leur appartenait. Tu héritais un peu de leur soif de liberté et de découverte, à ton plus grand plaisir.

La petite hippie avait bien grandi, tu avais à présent dix-huit ans. Ta sœur, Rosalee, était déjà partie faire ses études dans la grande ville. Comme la plupart de tes frères et soeurs, tu lui en avais voulu. Tu te sentais abandonnée. Rosalee c'était plus qu'une soeur, c'était une deuxième maman. C'était elle qui avait fait ton éducation, qui avait forgé ton âme. Tu avais tout de suite pensé qu'elle n'allait plus revenir, sauf pour les fêtes importantes comme Noël etc. Finalement, elle passait plus de fois que tu ne l'aurais imaginé, quasiment tous les week-ends. Tu étais quand même heureuse de la voir mais bon, ta petite maman n'était plus là pour te seconder. Sans personne pour te recadrer, tu enchaînais les conneries. Oui, c'était le mot. Soirées sur soirées, bouteilles sur bouteilles. Tu avais eu quelques petits copains, des choses pas trop sérieuses non plus. Des histoires d'ados quoi. Pourtant, ce soir là, il était là, à te regarder fixement. Il y avait quelque chose en lui qui t'attirait, quelque chose d'inexplicable. Un petit mot par là, un par ici, et vous échangiez déjà un baiser, loin d'être chaste il fallait le dire. Il t'entraînait petit à petit vers une chambre, faisant aussi un tour au bar histoire de te donner quelques verres de plus. Une fois dans cette chambre, tu ne réfléchissais pas, tu fonçais. Peu importe les conséquences non ? Quelques baisers de plus, quelques vêtements en moins. Tout s'accélérait, comme ton rythme cardiaque. Et voilà, ta première fois dans un lit misérable installé rapidement pour une soirée agréable. À la fin, il te faisait clairement comprendre que tu n'allais être qu'un coup d'un soir. Bon dieu que tu étais idiote. Comment tu avais pu croire que tu allais être plus que ça pour lui ? Est-ce que tu en avais eu envie ? Oui. Tu ne voulais pas être une parmi les autres, tu voulais au moins qu'il se souvienne de ton nom. Tu étais déboussolé, c'était le cas de le dire. Tu sortais, histoire de prendre l'air. C'est là que tu atterrissais sur un pont, sans veste, en pleine nuit. Tu tremblais de partout, à cause de ce qui venait de se passer mais aussi du froid. Tu regardais l'horizon, le regard perdu, les yeux qui commençaient à s'embuer. Alors comme ça il se foutait complètement de toi ? Tu posais ton regard sur l'eau, calme à cette heure ci. Tu posais tes mains sur le rebord, baissant la tête et sentant les premières larmes couler. Et voilà que tu te mettais à pleurer pour un mec ! Un mec parmi tant d'autres ? Peut être pas. Peut être que tu avais trop misé sur lui, beaucoup trop. Tu commençais à escalader le rebord, posant tes pieds sur la pierre. À cette hauteur tu ne pouvais pas te rater. Tu n'avais qu'à te laisser couler, l'eau allait alors s'emparer de ton corps. Tu resterais là, jusqu'à ce que ta soeur se soucit peut être de ton existence tiens. Ta vie n'avait plus aucun sens pour toi. Pourquoi tu vivais ? Pour pouvoir boire à nouveau de la tequila ? Super comme raison. Tu avançais un peu ton pied, te sentant trébucher. Ton rythme cardiaque s'accélérait à nouveau. L'eau, c'était si calme.. Alors que ton corps et ton esprit bouillonnaient encore. Tu sentis quelque chose vibrer.. Ton portable ? Tu le sortais de ta poche, peut être pour la dernière fois. Dare ou not dare, c'était quoi encore ce truc.. En tout cas, ça t'intriguait assez pour te faire redescendre. Tu répondais au message, cherchant plus d'informations sur ce nouveau site, peu connu jusqu'à présent. Tu rentrais finalement chez toi, tu n'étais pas prête pour te suicider. Du moins pas ce soir.

Dare or not dare.. Tu avais fait ton petit chemin depuis. Quelques mois après la découverte de ce site, et ta tentative de suicide, tu t'etais inscrite. Les défis c'était vraiment ton truc. Un site qui en propose ? Le paradis non ? Ton addiction à ce site se développait petit à petit, tu acceptais de plus en plus de défis, de plus en plus osés. Tu n'imaginais plus ta vie sans ce site, il avait pris sa place et elle était importante. C'était un peu lui qui t'avait sauvé la vie non ? En quelque sorte.. Est-ce que tu aurais sauté si tu n'avais pas reçu ce message ? Tu n'en savais rien, tu ne voulais plus savoir. Tu étudiais, tu sortais, tu t'amusais, tu te défiais. Tu te défiais un peu trop d'ailleurs. On t'avait donné un nouveau défi à relever : récupérer les sujets du prochain contrôle de sciences. Accepté ! De toute façon, tu refusais rarement. Tu avais tout prévu, les horaires, la technique, tout. Tu pénétrais dans le bureau du professeur, fouillant un peu partout. Tu veillais tout de même à ne pas déranger son bureau. Tu entendais des bruits de pas. Merde ! Tu regardais à la fenêtre, à travers le store. Ça y est il était devant sa porte, tu étais finie ! Tu voyais trois étudiants, tu leur faisais signe de rejoindre le prof, montrant bien ta panique. Ils avaient l'air de comprendre.. Tant mieux ! Ils rejoignais le prof et se mettaient à lui parler. De quoi ? Aucune idée mais au moins il était occupé. Tu les voyais s'éloigner. Tu attendais encore un peu avant de sortir. Une fois dehors, tu soufflais à nouveau. Tu cherchais à retrouver tes "trois sauveurs". Cinq minutes après, tu te retrouvais face à eux. Remerciements, etc. Vous continuiez à parler, sympathisant ensemble. Quelques mois plus tard, tu passais toutes tes journées avec eux. Tu te sentais enfin bien. Tu avais enfin trouvé des personnes avec qui tu pouvais être toi même. La nuit sur le pont était loin derrière toi, l'envie d'un suicide aussi. Tu avais plutôt d'autres envies maintenant. Cela faisait quelques jours que vous aviez fait votre premier vol ensemble. Non non pas un vol en avion, loin de là. Andy derrière son ordi, Simon et Nevada sur le terrain avec toi. Vous formiez vraiment une bonne équipe. Chacun avait sa place, son programme. Ensemble, vous n'étiez plus qu'un.