REINHARDT UN JOUR, REINHARDT TOUJOURS ∆ D'aussi loin que je me souvienne, les quatorze premières années de ma vie était plutôt heureuse. On était cinq, au début, il y avait moi, mon frère, il y avait Mathilda, notre petite soeur, et puis nos parents. On était très proche, tout était parfait. On vivait à Vancouver, au Canada. Mon père était un Canadien convaincu est fier et ça lui a arraché le coeur de devoir quitter son pays natal pour aller vivre à Chicago, mais il aimait ma mère, et elle avait décroché un job qu'elle ne pouvait refuser. Vous savez, le genre d'opportunité qui ne se présente qu'une fois. Alors il avait dit oui, et finalement il s'y était fait. Il était très présent pour nous tous, très aimant. Il nous emmenait souvent mon frère et moi, jouer au baseball ou au foot. Mon frère et moi on avait toujours été assez proches, mais pas trop non plus, on était assez différent. J'étais plus sensible, je m'intéressais plus aux autres, j'aimais aimer, lui il était plus indépendant, plus "au dessus de tout" et je l'avais admiré et détesté pour ça. Il réussissait bien, il était ambitieux, ça frôlait parfois l'égoïsme. Il considérait que rien ne devait entraver son chemin. C'était son excuse lorsqu'il lui arrivait de me faire un coup bas, le genre de petit coup qu'on peut se faire entre frère. Il me disait « La prochaine fois tu feras attention. » comme si c'était pour me donner une leçon et me dire qu'il fallait que j'ouvre les yeux et que j'arrête de penser aux autres. Et puis je lui avais toujours tout pardonné, parce que c'était mon frère. Et que j'étais meilleur que lui au baseball.
Mathilda est morte brutalement. Elle avait des problèmes cardiaques mais les médecins étaient assez optimistes, ils pensaient qu'elle pourrait vivre avec, qu'elle vivrait longtemps, enfin, qu'elle vivrait un peu plus au moins. Et puis un jour elle est tombée malade et son coeur s'est arrêté. Comme ça. On a rien vu venir. Ca nous a soudé pendant quelques temps, parce qu'on se disait qu'après ça, rien d'autre ne devait nous arriver et qu'on devrait veiller les uns sur les autres. Et puis ma mère a décroché ce job aux Etats Unis, et c'est ça finalement.. Qui nous a séparé. C'était comme si chacun devait à présent faire sa petite vie de son côté. Comme si ce qu'on avait vécu avant n'avait eu lieu.

ET PUIS UN JOUR, IL Y A UNE FILLE ∆ J'ai rencontré cette fille quand j'étais au lycée et je crois qu'elle m'a plu tout de suite. Elle s'appelait Drizzle. Elle était bizarre, le genre qui est un peu classé comme "freak" quand on est au lycée, parce qu'elle est là sans être là, personne la connait vraiment, elle est dans l'ombre, discrète, secrète.. Mais je la trouvais belle dans tout ce qu'elle pouvait faire ou dire. Je l'avais approché, et si elle était d'abord assez farouche à cette proximité, petit à petit, elle était devenue plus docile et on avait commencé à s'aimer. Vraiment. Pendant un an. Je ne la comprenais pas toujours mais je n'avais jamais voulu la juger parce que c'était comme ça qu'elle était, elle était bizarre. J'étais sûrement trop aveuglé par l'amour pour trouver ça inquiétant, ou bien j'étais trop jeune.. J'étais complètement fou d'elle, c'était à cette époque là assez innocent, parce qu'on était bien et qu'en fait.. Ce n'était peut être pas elle que j'aimais, mais seulement ce qu'elle voulait bien me montrer ?

Je crois que j'aurais pu accepter n'importe quoi d'elle tant que ça n'allait pas contre mes principes. Et il y a des choses qu'on ne peut pas réellement tolérer, même quand c'est la personne qu'on aime qui le fait. Je crois que j'aurais moins mal pris qu'elle me trompe, parce que c'était quelque chose qu'on pouvait faire "par erreur" qu'on pouvait regretter et qu'on pouvait arrêter. Mais j'avais découvert qu'elle avait un certain goût pour le vol, qu'elle était du genre klepto et qu'elle n'avait pas vraiment envie de se calmer. Je n'étais pas bien riche, mais je ne concevais pas que l'on puisse voler, c'était trop malhonnête, alors je m'étais énervé, parce que j'voulais qu'elle arrête ses conneries et que j'avais peur surtout. Peur de la perdre, parce qu'elle se mettait en danger, que c'était de la folie. Elle pouvait être bizarre, pas commune aux autres, j'en avais absolument rien à foutre, mais mettre sa vie en danger, ça me dépassait, c'était complètement égoïste. Et c'est là que tout a commencé à se détériorer. Nous. Moi surtout. Et puis elle. Enfin, peut être pas elle, mais j'avais l'impression de ne plus la connaître. Elle était devenue odieuse, cruelle, et puisqu'elle ne voulait pas m'écouter, puisqu'elle était bien trop fière pour faire un effort et arrêter ses conneries, j'avais décidé de ne pas me laisser faire, parce que j'avais ma fierté moi aussi, mon égo, et qu'elle l'avait blessé, qu'elle m'avait brisé le coeur en me faisant comprendre qu'elle n'arrêterait pas. Je lui en voulais.

On avait arrêté de se voir un moment, et puis ça avait repris, on se cédait l'un à l'autre lorsqu'on avait bu, et puis on se jetait mutuellement le lendemain matin. Elle me faisait du mal et je faisais pareille et je détestais le mec que je devenais en sa présence. J'avais simplement envie de la faire souffrir autant qu'elle me faisait souffrir alors je voyais d'autres filles, et elle voyait d'autres types. Ca me tuait mais je ne pouvais manifestement pas arrêter de la voir, rien que pour le fait de la voir puis de lui en faire baver.

ET LE LENDEMAIN, PLUS PERSONNE ∆ Mon propre frère m'avait trahi. C'est à partir de là que j'ai vraiment arrêté de croire en l'humanité. En l'amour en tout cas. Je laissais une place pour l'amitié, parce qu'aucun de mes amis ne m'avait jamais trahi. Pour ce qui était de mon frère, on avait emménagé ensemble après que j'ai décroché mon bac, tout se passait plutôt bien, on se faisait des soirées ensemble à jouer au jeux vidéo de temps en temps, et puis il vivait sa vie, il était étudiant, il réussissait bien, et moi je bossais. Ca tenait à pas grand chose. Et puis il a finit par tout gâcher. Tout comme Drizzle. Elle avait tout gâché en ne pensant qu'à elle, et lui n'était pas mieux qu'elle. Je crois que le jour où je les ai surpris ensemble, ça m'a littéralement tué de l'intérieur. C'était probablement la pire chose qu'elle aurait pu faire. La seule chose qu'il a trouvé pour se justifier c'est de me dire qu'il était pas au courant que c'était elle Drizzle, et que j'étais plus avec, et que la prochaine fois, je ferais attention à pas m'attacher à une " salope " comme elle. Oui c'est le mot qu'il a utilisé. Et ptete bien qu'il a raison au final. Peut être que je mérite mieux que ça et que je devrais la laisser, ça lui ferait les pieds que j'arrête d'en avoir quelque chose à foutre. Elle se rendrait peut être compte que tout ne tourne pas autour d'elle.