« Tu gâches vraiment tout ce que tu touches Alastrann ! » Encore. Ce n’était pas la première fois qu’il entendait cette phrase. Elle devait être vraie pour qu’il soit amené à l’entendre si souvent. Surtout dans sa bouche à elle. Ils avaient été mariés pendant de nombreuses années. C’était son amour de lycée. Ils avaient cru que ça durerait toujours et pourtant elle avait fini par lui balancer cette maudite phrase en pleine face avant de faire ses valides et de partir, quelques années plus tôt. Elle avait eu raison, il avait tout gâché cette fois là. Il l’avait trompée. Ils étaient mariés depuis trop longtemps et surtout, ils s’étaient mariés trop jeunes, ça avait été inévitable à ses yeux. Elle n’avait pas partagé son point de vu. Normal, ses arguments pour se défendre ne tenaient pas la route. Leur couple, ne tenait pas la route. Ils avaient été mariés pendant douze longues années. Ils étaient encore à l’université quand ils avaient décidé, certainement sur un coup de tête, de s’unir soit disant jusqu’à ce que la mort les sépare. Ce n’était pas la mort qui les avait séparés, juste cette jolie fille croisée au détour d’un bar. Elle avait de beaux yeux dans lesquels il s’était perdu au premier regard. C’était une erreur, c’est ce qu’il avait cru au début. Ce même soir alors qu’il n’était pas rentré chez lui comme tous les soirs. Cette fois où il avait décidé de se perdre dans les bras d’une femme qui n’était pas la sienne. Il avait eu l’impression de faire une erreur. Cette impression ne l’avait pas quitté quand il était rentré chez lui, beaucoup trop tard en prétextant une réunion qui s’était éternisée, du boulot qui s’était accumulé. Il l’avait menti, il l’avait embrassée avant de se mettre au lit l’air de rien et finalement, l’erreur s’était transformée en besoin. C’était trop simple, toujours la même routine, il n’était même pas sûr de l’aimer encore, elle à qui il avait dit oui, bien des années plus tôt. Alors il avait continué à la tromper, jusqu’au jour où elle l’avait découvert. Il n’avait pas essayé de la retenir, il avait signé les papiers du divorce sans poser de question. Il s’était senti libéré quand il était redevenu célibataire. Il ne s’était même pas battu pour la garde de leur fille, il pouvait se contenté de ne l’avoir qu’une semaine sur deux. Il l’aimait pourtant elle. Il en était sûr, elle était la chaire de sa chaire. Sa fille. Il avait voulu l’aider. C’était tout ce qu’il avait voulu faire et pourtant il avait échoué. C’était pour ça que son ex-femme l’engueulait. Il entendait légèrement ses cris, comme un bruit de fond dans sa tête. Il ne cherchait pas à saisir les mots, se fichant bien du sens des phrases qu’elle prononçait. Elle était encore en train de lui reprocher tout et n’importe quoi, de faire une scène au beau milieu de la salle d’attente des urgences. Si ça pouvait l’aider à évacuer son stress, très bien, elle pouvait crier autant qu’elle voulait. Il n’écoutait pas. Il pensait seulement à sa fille, son bébé, quelques mètres plus loin, entourée de médecins qui devaient la sauver. Il l’avait laissée aller à cette soirée. Bien-sûr, son ex-femme elle, elle aurait refusé, selon ses propres dires en tout cas. Lui il pensait que si les rôles avaient été inversés, ils seraient dans la même salle d’attente des mêmes urgences en cet instant, parce qu’elle aurait aussi leur fille de dix-sept ans sortir avec ses amis. Il l’avait laissée faire parce que ça semblait évident. Ce n’était qu’une fête parmi tant d’autres et elle avait dix-neuf ans. Il n’avait pas pensé une seule seconde que les choses pourraient devenir si compliquées. Si elle n’avait pas laissé trainer son ordinateur sur le bar, il n’aurait jamais su. Heureusement qu’elle semblait faire la sourde d’oreille à chaque fois qu’il lui disait de ne pas laisser ce maudit ordinateur sur ce fichu bar. Il s’apprêtait à simplement le fermer l’engin pour aller le déposer dans sa chambre quand la page du fameux site dont elle parlait tout le temps s’était affichée. Dare or not dare. Une belle connerie selon lui. La curiosité l’avait poussé à fouiller un peu jusqu’à tomber sur le dernier défi en date qui ressemblait surtout à une invitation à une soirée. Un genre de rave party apparemment pas très saine. Elle n’était pas à une simple soirée entre amis, mais bien au paradis des toxicos. Il s’était pourtant dépêché de rejoindre cette soirée, il devait sortir sa fille de là, mais il était arrivé trop tard et maintenant il était là au beau milieu de la salle d’attente des urgences avec une envie démesurée de se lever pour claquer son ex-femme. Ce n’était pas correct, il avait appris au cours des nombreuses années où ils avaient été mariés, qu’il était plus sage de l’ignorer, pourtant il détestait l’idée d’être là à assumer une faute qu’il n’avait pas vraiment commise. C’était ce site qu’il l’avait happée, lui, il avait voulu la sauver, il était juste arrivé trop tard. C’est du moins ce qu’il essayait de se dire pour alléger sa conscience. Quoi qu’il puisse en dire, il se sentirait toujours coupable, parce qu’il était son père et qu’en bon père il aurait du la protéger mieux que ça. Quoi que puisse en dire son ex-femme, elle qui déchargeait volontairement toute sa culpabilité sur lui, elle était tout aussi coupable que lui. Ils étaient ses parents et n’importe quel parent se sentait coupable dès qu’il arrivait malheur à leur enfant.

« Depuis combien de temps tu le sais ? » Il haussa les épaules dans un long soupire. Il en avait vraiment marre. Toujours la même, fidèle à son poste, son ex-femme bien entendu. Voilà qu’elle venait d’apprendre que leur fille avait décidé d’arrêter ses études et qu’elle vivait chez lui. Il allait de soit que c’était encore de sa faute à lui, sans doute qu’il aurait du la pousser d’avantage à continuer ses études, même si elle en avait pas envie. Elle était grande, si elle n’avait pas envie de faire d’études, il n’allait pas la pousser si elle n’en avait pas envie. Elle lui avait demandé de ne rien dire à sa mère, à en juger la réaction de cette dernière, il comprenait parfaitement pourquoi, alors il n’avait rien dit. « Depuis qu’elle a décidé d’abandonner. » Forcément puisqu’elle était venue chez lui quand elle avait quitté la fac et sa cité universitaire dans laquelle elle était censée vivre. « Ce qui veut dire ? » Il leva les yeux au ciel. Elle était vraiment chiante, heureusement qu’ils n’étaient plus mariés sans quoi il n’aurait jamais survécu. Il avait bien fait de la tromper finalement. « Trois mois. » Elle eu l’air presque aussi choquée que si elle venait de se retrouver en face d’un extraterrestre. Il eut presque l’impression qu’il allait se prendre une claque en pleine figure. Heureusement, pour lui comme pour elle, la claque ne vint pas. Juste des reproches, encore et toujours. « Elle va revenir chez moi. C’est ce que le juge avait décidé quand tu l’as laissée frôler la mort, tu te souviens de ça ? » Il serra légèrement la mâchoire, cherchant à se calmer. Bien-sûr qu’il se souvenait de ça. C’était à peine un an plus tôt alors bien entendu il s’en souvenait. Il avait bonne mémoire, surtout quand il s’agissait de sa fille alors bien entendu qu’il se souvenait de la peur qu’il avait eu ce soir là, cette frayeur qui c’était emparée de chaque parcelle de son corps parce qu’il avait cru qu’il allait la perdre. « Elle a vingt ans, laisse la choisir ce qu’elle veut. » Elle se leva d’un bond avant de ramasser ses affaires, pour s’éloigner vers la porte. « Ouais, utilisons donc la méthode éducative selon Alastrann Beckett, ça porte tellement bien ses fruits ! Je n’ai pas envie que ma fille finisse danseuse dans un stripclub, alors elle revient chez moi et je m’occuperais de la remettre sur la bonne voie, puisque tu en es incapable ! Dis lui que je viendrais la chercher demain ! » Elle claque violemment la porte, plongeant à nouveau son appartement dans un agréable silence. Il ne dirait rien à sa fille, pas avant que sa mère n’arrive pour la ramener, sinon, il savait qu’elle ferait tout pour éviter de retourner chez sa mère quitte à quitter la ville. Elle lui en voudrait, il le savait, mais il avait l’habitude, tout le monde semblait toujours trouver une bonne raison de lui en vouloir.

« Qu’est-ce que tu fais sur ce site ? » Dare or not dare. Il avait ce site en horreur depuis ce qui était arrivé à sa fille. Il n’en saisissait pas l’intérêt. Tout ce qu’il savait c’était que ça pouvait facilement devenir dangereux et voilà que maintenant, c’était sa meilleure amie qui semblait perdre son temps dessus. « Je me détend un peu. » Se détendre ? Sur un site pareil et puis quoi ? Il n’avait pas envie d’aller la chercher un soir au beau milieu d’une fête de tarés parce qu’elle aurait fait une overdose. C’était hors de question. Il ne voulait pas qu’il lui arrive malheur à elle aussi. « Tu ferais mieux d’arrêter, ça peut être dangereux. » Il la fixait avec tout le sérieux du monde alors qu’elle, elle explosait soudainement de rire, ce qui avait d’ailleurs tendance à l’agacer. Il voulait la prévenir, la protéger et tout ce qu’elle trouvait à faire c’était se foutre de sa gueule. « Fait pas ton rabat-joie, j’aime bien ce site, les défis m’aident à oublier mon divorce. » Un divorce ce n’était pas la fin du monde, il y avait survécu lui, il était aussi celui qui avait foutu en l’air son mariage, enfin, il avait quand même trouvé un moyen de survivre à son divorce dans avoir besoin de faire des paris débiles et dangereux. Elle n’avait pas besoin de ça elle non plus. Il était là pour elle. Il avait toujours été là pour elle, depuis qu’ils s’étaient rencontrés au bureau, bien des années plus tôt. Elle était la secrétaire maladroite qui lui avait renversé son café dessus lors de son premier jour de travail. Le genre de truc apparemment efficace pour faire connaissance. Depuis ce jour, il avait toujours été là pour elle et elle avait toujours été là pour lui, alors elle savait que ce site était mauvais, elle avait vu ce qu’il pouvait faire. « Arrête, ton divorce c’est la meilleure chose qui te sois arrivée depuis longtemps. » Elle se redressa soudainement sur le canapé sur lequel elle était allongée depuis de longues heures déjà. Lui, il avait soudainement envie d’aller s’enterrer dans son coin, il savait qu’il n’aurait pas du dire ça, même s’il le pensait. Il avait toujours pensé que son mariage ne voulait rien dire, il n’avait jamais su pourquoi, mais il avait toujours vu son mariage d’un mauvais œil. Une jalousie qu’il n’avait pas la moindre envie d’admettre. Elle avait toujours beaucoup compté à ses yeux, sa meilleure amie. Sans doute un peu plus que ça même s’il ne l’avait jamais admit. « Qu’est-ce que ça veut dire ça ? » Ça voulait dire que son divorce était la meilleure chose qui pouvait lui arriver, point barre. Son mariage était encore plus bancal que le sien, il l’avait toujours su, même s’il ne l’avait jamais dit avant aujourd’hui. « Rien, oublie. » Elle leva les yeux au ciel avant de se lever du canapé. « Laisse tomber, je vais aller à l’hôtel ce sera plus simple, je pourrais rester sur mon site débile sans que tu critiques mon mariage. » Elle récupéra son ordinateur avant de filer récupérer les quelques affaires qu’elle avait emmené avec elle le jour où elle s’était installée chez lui. « Attends ! » Elle haussa les épaules en s’éloignant vers la porte. « Quoi, autre chose à dire sur mon mariage ? » Il laissa échapper un léger soupire avant de s’avancer vers lui, il avait un tas de trucs à dire sur son mariage, mais il n’en fit rien, se contenant de se rapprocher pour l’embrasser, idée complètement débile et pour laquelle il récolta une jolie baffe en plein dans sa joue. « Tu es vraiment trop nase. » Sur ces mots elle claqua la porte avec force. Son ex-femme avait peut-être raison finalement, il gâchait vraiment tout ce qu’il touchait.