« Jamais ?! » Assise dans l'herbe, elle me regarde en souriant. Parce que Mackenzy-Lùla sourit tout le temps. Depuis que je la connais, Mack sourit, persuadée que ça va la rendre plus jolie. Sauf que Mack elle est pas vraiment belle, Mackenzy elle est trop fine, trop plate, trop blonde. Et puis, elle a cette façon de me rendre mal à l'aise, quand, comme maintenant, elle me fixe en inclinant la tête. « Va te faire voir. » Elle m'agace Mackenzy-Lùla, alors je me casse, je la plante là dans son herbe, au milieu de ces fleurs qu'elle aime temps. Parce que Mack elle aime les fleurs. Depuis toute petite, elle cueille des pâquerettes pour en faire des bouquets. Mais Mackenzy-Lùla est incapable de rester seule, incapable d'attendre sagement qu'on vienne la chercher, alors elle sourit, prenant ma suite, et s'emparant de mon bras pour me forcer à m'arrêter. Mackenzy n'a pas changé. Alors elle se plante là, devant moi. « Jamais ? » La première fois que je l'ai vu, j'ai simplement cru qu'elle serait la fille à côté de chez moi, celle a qui on vient se présenter par pure politesse, mais qu'on oublie avec le temps. Mais Mack elle refuse de se laisser oublier. Alors je soupir et j’acquiesce. « Laisse tomber Mack'. Ton père va t'attendre, on rendre. » Parce que son père, c'est le genre protecteur, le genre qui depuis qu'on est gamins râle quand elle rentre trop tard. Alors Mackenzy-Lùla, je m'applique à la lui ramener entière en m'emparant de sa main. Cette drôle de princesse qui refuse de rentrer au château. Mais elle se fige, s'arrête, et ses doigts s'emparent de mon menton. Je déteste son regard, et ce drôle de sentiment qu'elle m'impose. Je déteste me retrouver là, incapable de l'envoyer balader. A nouveau, Mack elle sourit, avant d'approcher ses lèvres pour venir les plaquer contre les miennes, comme ça, sans prévenir. L'enfant sauvage rayonne de douceur. Elle bascule, me perd dans un million de sensations que je ne comprends pas. Et puis, elle arrête tout et s'écarte, son regard qui s'applique à m'observer. Je plonge dans le vide. Moi, rouge et mort de honte. « Comme ça, tu pourras plus dire jamais. » Elle attrape sa veste restée sur le sol, et puis elle s'éloigne, prenant soin de ramasser sur sa route quelques fleurs colorées. Elle est surprenante Mackenzy-Lùla, et d'un naturel déconcertant. Tellement qu'il m'arrache un sourire. Parce que Mack' n'est pas une fille, Mackenzy n'est pas comme les autres. ADRIAN - L'ANCIEN VOISIN ; Octobre 2005

« Mackenzy ! » Assise sur le canapé du salon, je reconnais bien là la gamine d'avant, celle qui courait pieds nus dans l'herbe et parlait aux oiseaux. Son livre sur les genoux, un crayons à la main, elle griffonne sur le papier une suite interminable de chiffres dont je ne comprends pas la signification. On m'avait prévenue, que Mack' était devenue une de ces enfants brillantes qui s'appliquent à réussir. Rien de bain surprenant, parce qu'elle a toujours été comme ça, petite fille sérieuse au jolie sourire. Je pensais seulement qu'elle choisirait une autre voie. Avocate comme sa mère, oui, tout le monde aurait été fière. Mais la petite préfère les chiffres, Mackenzy-Lùla préfère comprendre. « Mack', je ne vais pas te le répéter, ta tante est là pour le week-end, je ne compte sur toi pour te présenter convenablement. » Se présenter convenablement. Regardes là ta fille, on présente difficilement mieux. Elle est jolie, et quand elle pose ses livres pour m'adresser un sourire, j'ai du mal à comprendre ce qu'elle fait enfermée là, avec une mère qui s'applique à être une femme parfaite, pour plaire à un homme qui avec le temps à finit par s'habituer à sa présence. Il ne la voit plus vraiment. Pourtant, dans ce drôle de château au portail coloré, la reine semble heureuse, prenant soin d'ordonner à des gens qui s'appliquent à la servir. Prenant soin de rendre sa fille aussi parfaite qu'elle. Une jolie vie, une vie bien propre, au milieu de laquelle ma princesse aux cheveux blonds se lève pour venir m'embrasser. Ses bras autour de mon cou, elle m'adresse un rire quand je lui demande ce qu'elle peut bien trouver d'intéressant à la physique. « Je te laisse avec maman, on m'attend dehors. » Elle embrasse ma joue, et lève les yeux au ciel quand je lui demande si ce « on » qui l'attend est un garçon. Parce que si j'étais un garçon, moi oui, je l'attendrais Lùla. Cette même Lùla qui à ma question répond par un sourire, avant de s'emparer de sa veste pour mieux disparaître. Mack' est une princesse. Une princesse enfermée dans une cage trop dorée. MARGARET – LA TANTE ; Mai 2010

Les gens passent les uns après les autres, et je m’efforce de mémoriser leurs visages. Y a cette femme et ses enfants, ce monsieur collé à son téléphone, cette dame à l'allure distinguée. Au milieu des gens, il n'est nul part. Pourtant, je connais son visage, je le reconnaîtrais. D'un geste de la main, je resserre ma veste contre ma poitrine. Il commence à faire froid, il commence à faire nuit. Tant pis. Quoi que non, pas de « tant pis ». J'attends là depuis plusieurs minutes pour rien, continuant de me persuader qu'il va venir. Pourtant, je sais. Alors je me lève et la pluie commence à tomber. Je déteste la pluie, je déteste ce banc. Je m'en vais, je me casse. Ma mère attend sûrement mon père pour dîner, elle se fera un plaisir de me voir rentrer plus tôt. Mais plus tôt que quoi ? Plutôt que s'il était venu ? Un homme pressé me bouscule et je pousse un soupire quand mon sac tomber sur le sol, déversant par terre la quasi totalité de son contenu. Mon téléphone perdu au milieu du reste. Je n'ai jamais réussi à être ordonnée. Ma mère a toujours prit soin de passer ranger derrière moi. Alors au milieu de tout, mon regard tombe sur l'objet de ma présence dans ce parc. Un CD qu'il avait prit soin de me prêter, me vantant la qualité musicale. Il avait raison. Il a souvent raison. Alors mes doigts s'emparent de l'objet, que je glisse dans la poche de ma veste. Finalement, le dîner attendra, et ma capuche armée pour me protéger, j'opte pour la présence de la pluie, pour quelques minutes encore. Je ne peux pas rentrer. Pas encore. Mes pieds connaissent parfaitement la route, force d'habitude, et je me laisse guidée, mes doigts prenant soin de glisser entre mes lèvres une cigarette. Ça m'aide à me calmer, ça m'aide à réfléchir. Plus tard, j'arrêterai. Je le promet. Et puis finalement, je m'arrête, laissant la cigarette se consumer au bout de mes doigts pour venir pénétrer dans l'immense bâtiment qui cache l'antre du loup. L'avantage de l'amitié, c'est de connaître la quasi-totalité des cachettes de l'autre. Non, il ne pourra pas rester planquer. Ma main libéréd s'abat contre sa porte. SJT Warrens. L'homme qui bientôt se dessine derrière la porte. Ce même homme sur lequel je m'empresse de balancer le CD. « Perdu Sam, je suis là, t'as perdu ton putain de défi ! » Sam, le meilleur ami toujours prêt à tout pour gagner les défis qu'internet lui propose. Cap ou pas cap c'est ça qu'on dit ? Là devant lui, je suis plus cap de rien. Je m'en voudrais presque de m'être emportée, je n'entend pas ce qu'il me dit, et je m’effondre contre son épaule. Moi je suis plus cap d'être sans toi. Alors moi aussi, je joue. MACKENZY-LULA ; Avril 2013