«Je termine d’ici dix minutes, on pourrait, je ne sais pas…boire un café et apprendre à se connaître ? » La timidité de la jeune femme le fit sourire, remarquant cette petite manie qu’elle avait d’entortiller une mèche de cheveux autour de l’un de ces doigts. Elle n’avait pas confiance en elle, craignait que Tylian lui préfère une autre occupation, voir une autre femme. Cela en était presque touchant, pour autant, il n’était pas le genre d’homme à se laisser attendrir avec facilité. Bien au contraire. « C’est avec grand plaisir. Ne me faites pas trop languir, mon cœur ne s’en remettrait pas » La contradiction faisait aussi partie intégrante de sa vie, lui adressant un sourire du coin des lèvres tout en acceptant l’invitation de la jeune femme. Il ne s’agissait là que d’un flirt, d’une nuit tout au plus. Détails qu’il avait omis de lui signaler afin de ne pas ruiner ce petit instant de séduction dont le dénouement restait encore à écrire.
Empruntant la sortie, il descendit les marches une à une pour finalement atteindre un petit muret contre lequel il vint s’adosser. Le monde affluait de toute part, certains prenant des photos, d’autres discutant de tout et de rien en compagnie d’amis. Pour lui, il n’y avait qu’une seule chose capable de le rendre un minimum patient : une cigarette. Un doux poison dont il ne pouvait plus se passer depuis plusieurs années, l’amenant d’ailleurs avec délicatesse jusqu'à ses lèvres pour en retrouver les premières saveurs. Il se savait condamner à une courte vie s’il continuait à ce rythme et pourtant, rien ni personne ne pouvait l’empêcher d’y mettre le feu. « Vous. Vous. Je vous reconnais. C’était vous ce soir là, hein ? » Du moins c’est ce qu’il pensait jusqu’à ce qu’une femme vint à sa rencontre en le pointant du doigt. Allons dont, qu’avait-il bien pu faire pour la mettre de si mauvaise humeur ? Ce soir là ?! Il n’était pourtant pas du genre à oublier le visage de ces conquêtes, aussi insignifiantes soient-elles auprès de son cœur. « Pard » Tylian n’eut guère le temps de prononcer le moindre mot, la main de la jeune femme venant s’abattre sur l’une de ses joues avec force. « Vous êtes un malade, j’vous le dis moi. Et vous allez me rendre mon argent. » Un geste intolérable pour un homme qui n’avait point l’habitude d’être dominé, d’être rabaisser aux yeux de passants tout aussi intrigués que lui par un tel comportement. Instinctivement, sa main vint caresser sa joue endolorie et marquée au fer rouge par les doigts de celle a qui il manquait visiblement quelques neurones. « Bordel c’est quoi votre problème ? On vous a prise pour une conne et maintenant tous les hommes sont des salauds ? Bienvenue dans le monde réel Darling ! » Bien qu’en colère son visage ne présentait aucune agressivité, faignant l’indifférence face à ce que pouvait ressentir la jeune femme. Face à ce regard haineux qu’elle lui adressait volontiers. Il lui en fallait bien plus pour atteindre son cœur, le meurtrir au plus profond de son être. A vrai dire, était-ce encore possible ? Lui-même en doutait, étant persuadé d’avoir perdu le peu de bonté qu’il avait suite au décès de son frère. Jetant un regard en direction des escaliers, il aperçu celle a qui il avait donné rendez-vous, figée et visiblement plus aussi décidée à le connaitre. Trois, deux, un…sans plus un regard elle fit demi-tour, s’en allant dans une direction opposée à la sienne. Et voila ! L’excentricité de la jeune inconnue lui avait coutée une nuit de plaisir, mais aussi une cigarette qu’il regrettait à présent amèrement. « Vous êtes contente ?! A cause de vous je viens de me faire larguer avant même de lui avoir donné une raison de le faire ! J’avais fondé de grands espoirs sur ce joli minois figurez-vous ! » Un discours qui en disait long sur ces habitudes avec les femmes, voyant en elles un simple moyen de se divertir. Il était certain que la folie n’avait pas seulement atteint la demoiselle, mais aussi Tylian dont la mémoire lui faisait complètement défaut en ce qui la concernait…

« Mon problème est bien réel lui. Personne ne me prend pour une conne, et encore moins un homme. Et surtout, ne faites pas comme si vous aviez oublié parce que moi je me souviens très bien de votre visage. » Son visage ? C’était à ne plus rien comprendre, ignorant tout de ce que pouvait bien lui reprocher cette demoiselle. En proie à la confusion, les sourcils froncés, Tylian prit le temps de scruter la demoiselle sous toutes les coutures, tentant de retrouver un vague souvenir de sa personne. En vain. Non vraiment, elle se méprenait voila tout ! Tout comme lorsqu’elle affirmait haut et fort ne pas se faire avoir par un homme. « Ahhh donc tout petit ce cinéma : vos yeux doux, prétendre que l’on se connait, ce n’est pas parce qu’un homme s’est joué de vous, mais parce qu’au contraire, vous respirez le bonheur c’est bien ça!? » Tylian ne connaissait pas une femme a qui cela n’était pas arrivé, contribuant lui aussi au cliché du parfait gougeât avec les femmes. Les hommes n’en étaient pas en reste non plus, connaissant eux aussi, les souffrances du cœur bien que trop sentimentalement handicapés pour le reconnaître devant quiconque. L’ironie marquait amplement son discours, ne pouvant d’ailleurs s’empêcher de rire devant la contradiction que représentait les propos de la jeune femme et le comportement agressif qu’elle adoptait envers lui. « Bong sang qu’est-ce que ça doit être quand vous broyez du noir ! » Bien évidemment tout ceci lui importait peu, se fichant bel et bien de ce que pouvait penser ou ressentir la jeune femme. Il avait beau être pompier, Tylian n’était pas le genre d’homme à avoir la main sur le cœur, bien au contraire.

C’est alors que ce qui devait être une conquête d’un soir fit demi-tour, l’abandonnant sur le parvis en compagnie de la femme aux yeux revolvers. De quoi attiser l’agacement de notre jeune homme dont la soirée semblait plus que compromise. « Quoi, ça ? Vous vous en remettrez. En même temps, si vous abordez toutes les filles de la manière dont vous l’avez fait avec moi ce soir-là, je comprends qu’elle parte en courant, et je lui rends même sûrement service. » Et voila que la principale fautive se félicitait de son malheur, allant jusqu’à s’autoproclamer d’héroïne au grand cœur en évitant à la fugitive une blessure de plus à inscrire dans son journal intime. Une intrusion dans sa vie privé qu’il aurait en temps normal détestée, néanmoins son attention fut détournée par la jolie brune qui n’avait de cesse d’insister quant à leur passé commun. « Vous rigolez ! Sans vouloir être désobligeant je me souviens de toutes mes conquêtes et de ce que je peux en dire… » Marquant une brève pause, non sans un sourire amusé, Tylian se fit à son tour insistant, parcourant le corps de la jeune femme du regard pour la seconde fois et cela, sans prendre la peine de s’en cacher. « Vous et moi n’avons jamais été aussi proche qu’à l’instant présent. Croyez moi je m’en souviendrai et vous en auriez eu un meilleur souvenir que celui avec qui vous me cofondez » Autant de prétention ferait chavirer un navire et pourtant notre jeune homme semblait parfaitement à l’aise quant à la situation qui semblait peu à peu l’amuser…