« Je t’aime. » Une courte et douce phrase qu'elle ponctua d'un large sourire. Elle voulait rester près de lui toute sa vie. Envie folle de jeune adulte sans doute, pourtant, ils savaient que c’était impossible. Il n’était pas autorisé à rester plus longtemps sur le sol américain. Histoires stupides de frontières. Ce n'était pas comme s’il venait de l’autre bout du monde, il était anglais. Enfin, malheureusement, elle n’était pas en mesure de refaire les lois, sinon, elle l’aurait déjà fait depuis longtemps. « Je t’aime aussi. » Assis dans le sable chaud à ses côtés, il attrapa sa main. Peut-être qu’il avait été stupide de venir faire ses études ici. Ça ne lui avait rien apporté, si ce n’est une histoire d’amour qu’il ne pouvait pas continuer. « J’veux pas que tu partes … » Si ça ne tenait qu’à lui, il resterait, elle en était sûre. Seulement non, ça ne tenait définitivement pas qu’à lui. Il n’avait pas particulièrement envie de rentrer chez ses parents, il ne les avait pas vu depuis longtemps, mais il préférait rester avec elle. « J’veux pas partir non plus. » Elle se tourna vers lui, le regardant avec tout le sérieux du monde. « Alors reste ! » Elle lui adressa un sourire, le genre de sourire qui lui donnait envie de lui donner le bon dieu sans concessions. Mais ça il ne pouvait définitivement pas, une partie d'elle ne coulait pas comprendre, elle insistait bêtement. « Je peux pas, tu le sais bien. » Elle fit une moue déçue, évidemment, elle s’attendait à ce qu’il décide de rester, qu’importe ce que disait la loi, seulement, c’était compliqué cette affaire. « Personne ne va venir te chercher pour te renvoyer chez toi, avec les immigrés clandestins, ils ont mieux à faire que de s’occuper de toi ! T’es un étudiant anglais, pas un terroriste afghan ! » Il haussa les sourcils, certes. Mais ça se saurait s’il n’y avait que les terroristes afghans que les américains mettaient à la porte. Bientôt, il serait aussi considéré comme clandestin de toute évidence. « Isaiah, je t’en prie, j’arriverai pas à rester si longtemps loin de toi … » Il plongea son regard dans le sien, se laissa perdre dans ses magnifiques yeux implorants. Elle ne voulait pas qu'il parte, c’était un fait. elle ne le voulait pas, c’était de la torture, tout comme ce serait de la torture pour lui, de l’abandonner ici. « Très bien je reste au moins jusqu’à l’anniversaire de ma mère, ensuite je rentre pour faire renouveler mon visa. » Elle lui sourit avant de venir se blottir contre lui. Ils étaient jeunes et stupides, c’était un fait. Ils profitèrent de ce temps supplémentaire, ignorants les conséquences de ce qu’ils faisaient. Se comportant comme des gamins, profitant de la simplicité de leur histoire et de la force de leur amour, jusqu’à ce qu’il ne reparte chez lui après lui avoir doucement promit qu’il reviendrait bientôt. Promesse qu’il ne fut pas en mesure de tenir.

« Allô, Lily, c’est moi … » Aucune motivation dans sa voix. Il semblait désespéré et elle ne mit pas longtemps à s’en rendre compte. « Isaiah ? Tout va bien ? » Il ne répondit pas tout de suite, comme cherchant le meilleur moyen d’annoncer quelque chose qui de toute façon, passerait très mal. « J’ai dépassé mon visa l’autre fois en restant … Je suis interdit de séjour … » Un blanc s’installa, comme si elle cherchait la signification de ce qu’il venait de lui annoncer. Pourtant, il n’aurait pas pu être plus clair. Elle avait compris, elle ne voulait juste pas l'admettre, c'était trop compliqué. « Qu’est-ce que … Ça veut dire quoi ? » Elle savait ce que ça voulait dire, elle n’était pas née de la dernière pluie, disons seulement qu’elle avait besoin d’une confirmation ou quelque chose du style, peut-être qu’il lui annonce simplement que c’était une mauvaise blague et qu’il serait à ses côtés la semaine prochaine. « Je suis coincé en Angleterre. » C’était un peu comme une bombe qu’il venait de lancer sur elle, tout comme sur lui d’ailleurs, révélation qui prouvait qu’ils ne se reverrait plus, à moins qu’elle ne vienne en Angleterre et en cet instant, c’était la seule qu’elle avait envie de faire. Le retrouver en Angleterre.

« On peut pas continuer comme ça. » Blottie contre son torse, la jeune femme prononça sans doute ce qu’ils pensaient tous les deux. Ils passaient deux à trois semaines ensembles tous les six mois et encore. Ils ne pouvaient définitivement pas continuer comme ça. « Tu veux qu’on rompe ? » C’était bizarre dit comme ça, alors qu’elle était contre lui, que ses doigts faisaient de longs vas et viens dans son dos, ils étaient si proches et pourtant si loin l’un de l’autre. « Je ne sais pas. » Ouais, tout ça était bien compliqué et pourtant ils devaient faire un choix. « J’ai pas envie de rompre … » Son regard se perdit soudainement dans le vide, fixant un point lointain, comme si tous les souvenirs d’eux défilaient devant ses yeux pour appuyer ses dires. « Moi non plus. » C’était dur trop dur. Il fallait trouvé une solution à ce problème et il n’y en avait de toute évidence pas cinquante. « Viens vivre ici. » Elle se redressa le fixant avec un regard triste. « Je peux pas … je viens de décrocher ce stage … je peux pas. » Bha comme ça le problème était réglé. Il soupira. « très bien. » Ce n’était pas très bien, elle le savait, elle l’avait sans doute vexé un peu. « On pourrait se marier, comme ça, tu pourrais revenir à Chicago ! » C’était une idée, certes, mais sans doute qu’il y avait quelque chose de pas juste dans l’histoire, elle, elle ne renonçait à rien pour s’installer avec lui et lui, il devait renoncer à tout pour retourner à Chicago. « Je dois finir mes études, je peux pas changer d’université encore une fois et puis ça ne réglerait rien. » Elle laissa échapper un long soupire. « Mais si tu peux changer d’université et je vois pas en quoi ça changerai pas le problème ! En m’épousant tu gagnes la double nationalité, plus besoin de visa ou j’sais pas quoi pour résider aux États-Unis ! » Il leva les yeux au ciel, s’éloignant soudainement d’elle. « Non, je peux pas ! Les frais d’inscription dans une université aux États-Unis sont trop élevés ! Et non ça ne réglerai rien, je serais toujours interdit de séjour, c’est la loi Lily, on ne peut pas l’enfreindre sans conséquences ! » Il avait haussé le ton, énervé ou simplement dans une volonté lui rappeler qu’elle était responsable de tout ça, si elle n’avait pas insisté sur la plage ce jour là, il ne serait pas resté, il n’aurait pas dépassé son visa et ne serait pas interdit de séjour. « Peut-être que tu veux juste pas m’épouser ! » Il leva les yeux au ciel et serra les poings, elle ne comprenait que ce qu’elle voulait quand elle s’y mettait. « C’est pas que je ne veux pas t’épouser, je serai heureux de t’épouser ! Mais on serait mari et femme à deux coins différents de la planète avec sept putains d’heures de décalage horaire, 6356 kilomètres et cet enfoiré d’océan Atlantique entre nous deux ! » Encore une fois, sa voix était montée de plusieurs octaves. Face à lui, elle baissa les yeux quelques secondes avant de les reposer sur lui. « Est-ce … Est-ce que tu vois quelqu’un quand on est pas ensemble ? » Il haussa les sourcils, il ne s’attendait pas à ce genre de questions, peut-être que finalement elle allait creuser dieu seul savait où pour trouver une bonne raison de rompre. « Mais qu’est-ce que tu vas me chanter maintenant ? » Elle le fixait droit dans les yeux avec tout le sérieux du monde ce qui avait tendance à l’agacer au plus haut point. « Je t’ai posé une question simple, bien plus que le nombre de kilomètre entre Chicago et Londres alors puisque tu sais répondre à cette question, tu devrais pouvoir répondre à la mienne. » Il laissa échapper un long soupire avant de balancer lentement la tête de droite à gauche. « Non. C’est absurde, je ne répondrai pas. » Elle leva les yeux au ciel. « Pourquoi ? Tu as peur que je me vexe ? » Il haussa les épaules. « Faut voir. Qu’est-ce que tu fais toi là-bas à Chicago, hein ? J’en sais rien moi et pourtant je ne t’ai pas posé cette question débile ! » Cette fois, ça avait définitivement explosé, comme si c’était ce qu’il fallait pour les séparer, comme si c’était la seule solution qu’ils avaient trouvée. « Moi, je travaille, je fais de mon mieux pour venir ici régulièrement ! J’ai pas le temps de voir quelqu’un d’autre ! Je me tue pour toi ! » Elle savait haussé le ton, il se fichait bien des voisins, de toute façon, c’était l’après midi, ils n’avaient pas intérêt à faire chier. « Dis le tout de suite si ça te fait chier de venir jusqu’en Angleterre ! » La colère déformait quelque peu leur trait et la distance entre eux semblait petit à petit devenir un fossé se creusant sous leurs pieds. « Oui, ça me fait chier ! » C’était dit. Ce n’était pas la peine d’aller plus loin, c’était fini, les problèmes se résolvaient d’eux même désormais. « Alors casse toi ! Rentre à Chicago bordel ! » Elle attrapa brutalement ses affaires pour les remettre dans ses valises, sans prendre le temps d’adresser le moindre regard au jeune homme. « Parfait c’est ce que je fais ! Reste dans ton Angleterre pourrie toi ! » Elle attrapa ses valises pour se diriger vers la porte. « C’est de ta faute si je suis coincé ici, alors vraiment, barre toi ! » Elle ne se fit pas prier, claquant violemment la porte pour sauter dans le premier taxi jusqu’à l’aéroport. Il resta dans son appartement à regretter ses paroles, tout comme, fixant les rues de Londres défiler devant ses yeux, elle regrettait les siennes.