« Viens douce nuit,
Viens vite amoureuse au front noir,
Donne moi mon Roméo.
Et quand je mourrai que tu le prennes et l’éclates en petites étoiles,
Dès lors, il embellira tant le visage du ciel que tout l’univers sera amoureux de la nuit,
Et que nul ne pourra plus adorer l’aveuglant soleil. »

« Mec, prend tes couilles en mains et va la voir. Le temps que tu t'décides, elle s'ra morte desséchée mon pote ! ». Il est spécial, mais je l'aime pour son honnêteté et son franc parlé. Il a le don d'employer les mots qu'il faut pour me bouger. Car il n'a pas tort. Cette fille m'obsède depuis que je suis tombé face à elle dans les toilettes des filles. Pour info, j'étais pressé et je n'avais pas vu la pancarte. Mais le plus important, est qu'elle m'a littéralement fait craquer. Son sourire, sa chevelure, son regard (...). Rien que d'y penser, je monte au garde à vue. Pardon, je m'éloigne. Pour être clair, de cette nana, j'en suis dingue. Et je crois bien que le lycée en sa totalité est au courant de mon coup de foudre, sauf la principale intéressée. Même ma jeune soeur sait que j'ai le béguin pour elle. D'ailleurs elle s'en amuse et me charrie. À la maison, tout le monde est au courant de mon coup de coeur. Et même si par le passé je n'ai jamais rencontré de difficulté pour aborder les filles, celle-là, je bloque littéralement. Je perds mes moyens quand je suis face à elle, je perds même mes mots et je passe pour un dégénéré. La situation est catastrophique. Pire encore, on vient de me l'assigner comme binôme pour un travail. Le cauchemar. Même si mon pote qui me fait en ce moment-même de drôles de signaux, pense que c'est plutôt une bonne occasion de me jeter à l'eau. Je la vois qui se lève pour venir à mes côtés. Bizarrement, je rosis des joues. Je ne rosis jamais des joues. P'tain, je perds totalement la boule et mes pensées se mélangent. Elle pose son joli derrière sur la chaise, à mes côtés. Toujours souriante, elle me fait un signe de tête, comme pour me saluer. Comme un con, je réplique d'un ridicule petit signe de la main. J'ai qu'une envie, fuir en alaska, partir élevé des phoques ou je ne sais quoi, mais quitter cette pièce et m'éloigner d'elle. J'ai l'impression d'être totalement malade quand je suis à ces côtés. C'est donc ça l'amour ? Ça rend malade ? Et bien je préfère encore finir vieux, seul et moche, que d'être amoureux. Pourtant s'il y a bien une chose qui arrive avec ce sentiment, c'est qu'on ne le contrôle pas. « Keiden, tu baves ... ». Y-a-t-il un pays plus éloigné que l'alaska ? Dans ma situation, ça serait l'idéal. L'unique point positif, elle connaît mon prénom.

« Avec le temps, le déni la colère et le marchandage se transformeront en dépression. Dans cette période, le sentiment d’abandon est amplifié et peut sembler insoutenable. Dans cette période, il n’est pas rare que les sujets perdent leur confiance et leur espoir. Mais ce mal-être fini par aboutir, avec le temps, à la phase finale de l’acceptation. Le sujet accepte que ce qu’il a perdu ne pourra lui revenir, mais que sa vie continue malgré tout quand bien même elle sera très différente. »

« Tu as changé. Que t'arrive-t-il ? Je ne te reconnais plus ... ». Elle pleure. Encore. Elle ne fait que ça. Pleurer. Depuis mon retour, je ne l'ai pas vu sourire une seule fois. Je crois que je l'effraye. Je crois qu'elle a peur. Peur de m'avoir perdu. Elle n'a sans doute pas tord. Depuis que je suis revenu, ma vision des choses est totalement brouillée. Je ne dors plus, je ne mange plus, je ne parle plus, je ne m'exprime plus, je ne vis plus. Je ne suis qu'un corps vidé de son esprit. Je n'ai plus le goût de me battre. Enfermé chez moi, je ne sors plus. Ma femme est totalement désespérée. Cette même femme que j'ai rencontré au lycée et qui me rendait dingue. Dingue amoureux. Je n'ai pas hésité une seconde à l'épouser après notre diplôme. Ensemble, on a construit notre cocon, notre chez-nous. Mais celui-ci semble voué à disparaître et c'est entièrement ma faute. J'ai changé. Elle n'arrive plus à supporter le fait que je sois devenu un légume. Elle n'arrive plus à endosser la pression qu'il y a sur ses épaules. Elle a l'impression que je ne l'aime plus. Pourtant c'est faux, je l'aime. Elle est celle qui me maintient en vie. Sans elle, je n'ai plus de raisons d'être. Et même si j'ai l'impression de la perdre petit à petit, je n'arrive pas à trouver la force de me battre. De sortir de cette dépression. De la prendre dans mes bras et de l'embrasser fougueusement. Assis sur le canapé à regarder la télé, je suis ailleurs. Pourtant, je l'entends qui descend les escaliers avec quelque chose de lourd. Ce quelque chose touche le sol et j'entends alors des roulettes. Comme une valise. Elle s'avance et se met face à moi. Dans un geste désespéré, elle me donne un dernier baiser. Celui-ci sur le front. « Adieu Keiden ... » Puis elle s'en va. Sans même claquer la porte, elle quitte les lieux. Je sais que c'est la dernière fois que je la vois, mais je n'ai pas la force de la rattraper. Pourtant je l'aime.

« D’accord, c’est vrai. Parfois même les meilleurs d’entre nous prennent des décisions irréfléchies. De mauvaises décisions. Des décisions que nous savons déjà que nous allons regretter sur le moment, à la minute, ou plus précisément le matin qui va suivre. Je veux dire peut-être pas regretter, regretter parce qu’au moins on aura été capable de prendre un risque. Mais quand même... quelque chose au fond de nous décide de faire une folie. Une chose dont on sait qu’elle va forcément se retourner contre nous. On le sait, mais on le fait quand même. Ce que je veux dire c’est... on récolte ce qu’on sème. On a ce qu’on mérite. C’est le karma et peu importe comment vous voyez sa, votre karma vous empoisonne. »